C’est une adolescente comme les autres – elle joue de la flûte, s’entraîne pour le tournoi de basket de l’école et étudie les poèmes de Robert Frost –, à un détail près : elle est autiste. Et certaines choses sont très importantes pour elle : commencer sa journée avec précisément neuf grains de raisin, chanter sur Michael Jackson (son idole), manger de la pizza au bacon et aux oignons et, surtout, retrouver sa mère biologique pour pouvoir s’occuper de sa Poupée, qui court un grand danger.
Avec les moyens limités et pourtant redoutables d’une enfant enfermée dans son monde intérieur, Ginny va tout mettre en œuvre pour la sauver.
Ginny est une adolescente autiste de 14 ans qui vit avec son père et sa mère pour toujours, mais ne pense qu’à une chose : sa poupée qu’elle a laissée dans une valise chez Gloria, sa mère biologique. Maltraitée jusqu’à l’âge de neuf ans, Ginny a en effet été récupérée par les services sociaux et placée dans différentes familles d’accueil. Alors qu’elle pourrait profiter de cette famille aimante, la jeune fille va tout faire pour retourner chez Gloria, car sa poupée l’attend. Pourquoi Ginny fait-elle une fixation sur ce jouet ? Qu’est-ce qui la pousse vraiment à vouloir se rendre à l’endroit où elle a bien failli mourir ?
Ginny ne commence aucune journée sans avoir mangé ses neuf grains de raison, elle aime être avec son père-pour-toujours, va à l’école et est une fan inconditionnelle de Michael Jackson. En somme, elle est une adolescente comme les autres qui voit simplement le monde à travers le prisme de l’autisme. Le fait que Ginny soit la narratrice permet d’ailleurs de plonger intensément dans son quotidien. On s’attache forcément à la jeune fille, à la façon dont elle nous raconte ses aventures, ce qu’elle voit, ce qu’elle interprète.
Benjamin Ludwig fait donc l’énorme pari de se glisser dans la peau d’un ado autiste. On peut avoir peur des clichés, mais l’auteur les évite avec intelligence. Étant lui même le père adoptif d’une jeune fille autiste, on comprend la volonté de montrer ce regard si atypique sur le monde.
Finalement, la particularité de Ginny devient notre « normalité » au fil des pages et l’histoire prend le pas sur ce qui aurait pu vite tomber dans ce que j’appellerai le « roman documentaire ».
Outre la vie de tous les jours de la jeune fille, on découvre donc son obsession pour cette fameuse poupée laissée derrière elle et ses manigances pour se faire enlever par sa mère biologique. Ginny se rend finalement capable de plein de choses qu’elle n’aurait jamais imaginé faire. Malheureusement, la communication avec ses « parents-pour-toujours » devient de plus en plus compliquée. Malgré leur bonne volonté à être les meilleurs parents possible pour Ginny, il leur arrive parfois d’être déstabilisés par ses réactions et de ne plus savoir quoi faire face à elle. Les Moon sont deux personnes attachantes dont on ne peut que comprendre le désarroi.
Le tout est porté par la finesse de l’écriture de Benjamin Ludwig et par la sensibilité qui émane de ce texte fort et poignant. Plus qu’un simple roman, on fait face ici à la différence, à nous-mêmes et à une Ginny qui nous fait voir le monde autrement.


J’ai toujours voulu lire un roman avec un protagoniste autiste, me voilà servie! Merci pour la chronique!
De rien <3 C'est vraiment un beau roman qui mérite d'être lu ! C'est vrai que l'autisme est plus souvent abordé en BD qu'en roman et pour une fois c'est non seulement chouette mais original d'être du point de vue de Ginny 🙂